TENDUA - Association pour la sauvegarde de la biodiversité

Newsletter n°14 - avril 2016

DOSSIER TENDUA

La France tue ses loups et maltraite ses moutons

En France le cheptel de moutons s’élève à 7,2 millions d’animaux en 2014, contre 9 millions en 2012, pour 78840 élevages dont 20420 de plus de 50 animaux. Ces élevages sont en diminution par leur nombre (notamment les petites exploitations), mais leur taille reste supérieure à celles de voisins italiens ou espagnols, allant de 500 à 3000 moutons. On est loin de l’image d’Épinal du gentil berger donnant un nom à chaque agneau.
Ces concentrations d’ovins sont malheureusement responsables de la perte en biodiversité résultant du piétinement et du surpâturage des troupeaux, sans compter le risque de transmission des maladies (kératoconjonctivite, piétin) à la faune sauvage de chamois et bouquetins, et l’empoisonnement des pelouses alpines par les avermectines, anti-parasitaires qui stérilisent les fèces des animaux.

En outre, depuis septembre 2015, la fièvre catarrhale ovine est réapparue dans 260 foyers, probablement due aux échanges de bétails ; 27 000 élevages avaient été touchés en 2008. En 2016, des vaccins pour 1,1 million d’animaux sont en cours de distribution par le ministère de l’agriculture. Une grosse crise est à prévoir pour la filière ovine cette année, et le coût de cette crise sera à la charge de la collectivité.
 Cette filière semble donc bien malade et les chiffres de consommation de viande ovine confirme cette tendance : 29% de baisse entre 1990 et 2013.

Couple de moutons, Nouvelle-Zélande
Myriam Dupuis

Le consommateur français avoue son désamour pour le gigot dominical et la viande ovine ne représente qu’un peu plus de 3 % de la consommation totale de viande en France, soit 1,5% pour la viande ovine d’origine française.

Pourtant, en 2014, 840 000 moutons ont été envoyés à l’équarrissage par les éleveurs dont 339 734 brebis qui ne sont « plus rentables ». Ces « brebis de réforme », environ un demi-million par an, sont achetées par l’État tous les ans et détruites : brûlées avec du pétrole pour être transformées en farines de viande et d’os dont l’usage en élevage terrestre est interdit depuis 2000. Ces farines sont stockées dans des hangars puis incinérées dans des cimenteries, toujours avec de l’argent public. La part des aides et des subventions nationales et européennes dans les filières ovines est importante. On estime en effet que plus de 50 % des revenus des éleveurs d’ovins destinés à la boucherie correspondent à des aides. Économiquement cela est nettement plus sérieux que ce que le loup peut représenter.
Outre les « réformés », environ 400000 moutons meurent suite à des maladies telles que celles mentionnées mais aussi victimes de la foudre, des dérochements et des attaques de chiens divagants dont les chiffres restent assez confidentiels. En revanche, les éleveurs imputent la mort de 9000 moutons au loup ; ce qui, en France, déclenche le paiement de subventions, quand bien même le troupeau n’est pas protégé.

Depuis son retour naturel dans le Mercantour en 1992, la population estimée de loups à fin mars 2016 est de 236 individus, après la mort de 46 loups suite à l’application de l’arrêté ministériel de S. Royal fixant un « plafond » ou nombre maximum de loups pouvant être abattus en France pour l’année en cours (juillet 15-juin 16) à 36 animaux, et ce, sans aucune raison scientifique.
Pourquoi dans ce cas, 46 loups sont-ils morts depuis juillet 2015 ? Parce que certains animaux ne sont tout bonnement pas « décomptés » de ce plafond : 35 loups ont été « chassés » dans le cadre de l’arrêté, 2 braconnés (non décomptés), 6 tués de façon « accidentelle" (non décomptés), 1 cas de mortalité non élucidé (non décompté), 2 cas de mortalité possiblement naturelle (non décomptés).

Transformez l’arrêté en arrêter de tuer les loups !
Association Green, membre de CAP LOUP

Ainsi, la ministre souhaite mettre en place un nouvel arrêté pour le tir de 6 loups supplémentaires cette saison, écoutant le lobby des chasseurs qui préconisent de tuer les louveteaux au terrier.

Le drame est que tuer ces animaux ne résoudra pas les problèmes structurels de la filière ovine en France, mais cherche-t-on des solutions ou bien des voies pour les prochaines élections ? 
Le loup est pourtant une espèce protégée en Europe par la Convention de Berne (1979) transcrite dans le droit français en 1989 ; il est aussi protégé en France par l’arrêté ministériel du 22/07/1993 mis à jour le 23/07/2007 et inscrit aux annexes II et IV de la directive Habitats Faune Flore de l’Union européenne (92/43/CEE), au titre d’espèce prioritaire. Cela signifie que la France doit veiller à la conservation de l’espèce et de ses habitats. Ce qu’elle ne fait pas.
Les accusations de prolifération dont il est victime ne sont pas crédibles : un super-prédateur ne prolifère jamais sans quoi il mettrait en danger ses populations-proies et donc lui-même. Qui plus est, on sait aussi désormais que le loup est un régulateur aussi bien des animaux malades qu’un protecteur de tout l’écosystème où il vit. Alors le loup, bouc-émissaire facile d’une filière sinistrée ? Pourtant ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre…

Sources : Ministère chargé de l’agriculture, Institut de l’élevage, Interveb : « l’essentiel de la filière ovine française en 2014 », Docteur F. Moutou dans « le Courrier de la Nature n°285 ».

Voici un lien vers une excellente vidéo de la BBC sur l’impact extrêmement positif de la présence du loup sur l’environnement : « comment les loups changent les rivières »

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