Pourquoi avoir choisi le Dugong de la mer Rouge Egyptienne ?
Passionnés par la faune sous-marine, nous avons effectué de nombreux séjours en Egypte. Avec TENDUA, il nous est apparu évident de nous intéresser de plus près à la situation de la faune et de la flore de la mer Rouge égyptienne.
L’Egypte a connu un développement touristique considérable depuis une trentaine d’années, et tout particulièrement le littoral de la région d’Hurghada. Si ce développement a généré des retombées économiques positives à court et moyen termes en créant des emplois et de nouvelles activités, les conséquences sur la faune et la flore sont préjudiciables. Les dauphins et les requins sont bien connus du public, le dugong, en revanche, est un animal plutôt discret. Il est toutefois un indicateur-clé de l’état de son environnement : les zones d’herbiers qui existent le long du littoral de la mer Rouge. C’est ainsi que nous nous sommes intéressés au sort du dugong. Il y a urgence car cette population est en déclin.
Les dugongs (Dugong dugon) sont des mammifères marins de l’ordre des Siréniens. L’ordre des Siréniens est divisé en deux familles : les Trichechidae pour les 3 espèces de lamantins et le Dugongidae et son unique représentant, le dugong. Le dugong est en effet aujourd’hui le seul représentant de sa famille depuis la disparition au XVIIIe siècle de la Rhytine de Steller (Hydrodamalis gigas), animal n’ayant pour défense que son imposante taille (8m pour 11 tonnes) et rapidement exterminé par l’homme moins de trente ans après sa découverte.
Que sait-on des dugongs ?
Le dugong, de caractère placide, n’a aucune défense, si ce n’est son imposante taille. Certains animaux peuvent atteindre 4 mètres de long et peser 900 kg. Le dugong de la côte égyptienne peut mesurer 2,50m-3m pour un poids de 500kg. C’est un herbivore qui vit généralement seul ou en petit groupe près de la côte. Il peut fréquenter les larges canaux des mangroves peu profondes et la partie sous le vent de grandes îles côtières. Le dugong est aussi régulièrement observé dans les eaux plus au large là où le plateau continental est peu profond et protégé. Le dugong est le seul mammifère marin à se nourrir de zostères (plantes marines) se trouvant sur les fonds sableux peu profonds. Les Siréniens sont d’ailleurs communément appelés « vaches marines ».
Pour respirer (il a deux petites narines que l’on aperçoit sur les photos), le dugong doit remonter à la surface. Ses apnées durent de longues minutes. Lorsqu’il inspire, il émet une sorte de « phaaa » relativement bruyant. Pour communiquer, les siréniens émettent des sortes de sifflements. On ignore toujours comment ils font car ils sont dépourvus de cordes vocales. On pense que les infrasons (non audibles à l’oreille humaine) sont également utilisés.
On estime leur espérance de vie à environ 30 ans. La maturité sexuelle est atteinte vers 10 ans, âge auquel apparaissent chez le mâle deux défenses qui sont en fait deux incisives modifiées. Durant la période de reproduction qui peut intervenir tout au long de l’année, le mâle est agressif et se bat assez violemment pour les femelles, essayant de les embrasser littéralement et de se reproduire. Cela peut justifier les cicatrices que l’on voie souvent sur le dos et les côtés des femelles. La période de gestation dure de 12 à 13 mois et la femelle donne alors naissance à un petit qui sera indépendant vers 2 ans. Pendant cette période, la mère lui inculque les principes de migration ainsi que les emplacements des zones d’herbiers. La femelle est en mesure de se reproduire environ tous les quatre ou cinq ans. On peut estimer qu’une femelle n’aura pas plus de 4 ou 5 petits durant sa vie. Le dugong a donc un taux de reproduction extrêmement faible.
Le dugong nage assez lentement avec sa queue avec une vitesse moyenne est de 10 km/heure qui être doublée sur de courtes distances en cas de danger. Des transmetteurs satellites et VHF ont suivi les mouvements de 60 spécimens dans les eaux indonésiennes et australiennes. Les distances parcourues les plus longues sont dues à des raisons climatiques (migrations vers des eaux plus chaudes en hiver).
Au Queensland (Australie), les observations ont permis de constater des déplacements journaliers de 40 km leur permettant de nager des eaux peu profondes où ils se nourrissent au large où la température peut être jusqu’à 5°C plus chaude. Les mouvements quotidiens dépendent également du marnage. Une grande différence entre marée haute et marée basse implique des voyages plus longs. Le dugong est également capable de traverser des portions d’océans (plus de 4000 mètres de profondeur), faisant alors de très longues migrations. Cela signifie que la protection de cette espèce est de l’ordre de la responsabilité internationale et pas seulement de celle des pays où le dugong est aujourd’hui recensé. Le dugong est un des mammifères marins les plus menacés. Bien qu’officiellement protégé et placé en annexe 1 de la CITES [1], l’espèce est classée « Vulnérable » par l’UICN [2]. La plus importante colonie considérée comme stable puisque suivie depuis plus de 30 ans se trouve en Australie. Toutefois, pour les autres populations depuis l’Afrique de l’Est jusqu’au Vanuatu (27° Latitude Nord au Sud de l’Equateur, voir March et al. 2002), il n’y a pas ou peu d’informations dont la fiabilité n’est pas toujours avérée. Ainsi, le dugong a déjà disparu des Maldives, de l’île Maurice (Rodrigues), de Taïwan et de certaines zones du golfe Persique. Le dugong a aujourd’hui une aire de répartition qui va de la Mer Rouge aux îles du Sud-Ouest du Pacifique.
Il resterait :
- environ 70 000 dans le Nord de l’Australie (côtes Est et Ouest),
- plus d’un millier en Nouvelle-Calédonie,
- environ 6000 dugongs dans le Golfe Persique (Emirats Arabes Unis, Qatar, Bahreïn, et un millier en Arabie Saoudite – projet des îles Farasan), - moins de 100 au Mozambique (projet de l’archipel de Bazaruto),
- moins de 50 individus au Kenya,
- quelques individus aperçus en Egypte en Mer Rouge,
- quelques dizaines en Malaisie,
- présence également en Thaïlande, Papouasie-Nouvelle Guinée, Indonésie, Philippines, Vanuatu, Seychelles, îles Andaman (Inde) (Marsh et al. 2002).
Ces chiffres proviennent de différentes études consultées sur internet datant toutes aujourd’hui de plusieurs années. Il faut donc les considérer à titre indicatif. Cela étant, la tendance reconnue communément est le déclin de la population des dugongs.
Où trouver les dugongs en Egypte ?
La dernière étude scientifique concernant la distribution, l’abondance relative et les menaces sur la population des dugongs dans les eaux égyptiennes a été effectuée par le Professeur Mahmoud Hanafy et date de 2002-2003. Depuis, aucune étude scientifique n’a été entreprise.
A l’époque, le comptage effectué entre Hurghada et El Shalatin (à 200 km de la frontière soudanaise) estimait la population des dugongs entre 12 (2001 et 2003) et 17 individus (2002). Statistiquement, c’est durant l’été que les observations d’animaux ont été plus importantes. Deux hypothèses ne s’excluant pas permettraient d’expliquer ce phénomène : d’une part, il se pourrait que les dugongs migrent vers des eaux plus chaudes durant l’hiver ; d’autre part, les conditions hivernales en mer rendent les observations plus difficiles. Les enquêtes visuelles sont problématiques car la probabilité de trouver des dugongs dépend de plusieurs facteurs : l’expérience des observateurs, les conditions météorologiques, la clarté de l‘eau. De plus, aucune observation ne peut être faite de nuit.
L’une des conclusions de cette étude concernait les menaces alors reconnues pesant sur l’espèce : la perte de son habitat naturel que sont les herbiers et les mangroves et les dangers que représentent les filets de pêche et les hélices de bateaux. Ces deux principales menaces sont directement liées à l’activité humaine.
Comme déjà indiqué, les herbiers sont le domaine de prédilection des dugongs, leur principale activité étant de se nourrir. On estime à 30 kg de nourriture leurs besoins journaliers.
Les dugongs ne manquent pas de méthode dans leur façon de se nourrir : ils avancent grâce à leurs courtes nageoires en aspirant le sable, laissant des traînées reconnaissables dans l’herbier. Il se pourrait également que le mouvement des marées joue sur les heures de nutrition.
Leur fécondité est également très sensible à la disponibilité de leur nourriture. Lorsqu’ils n’ont pas assez à manger, ils retardent leur accouplement ; leur habitat est donc un élément essentiel à leur survie. Les herbiers sont très sensibles aux interférences humaines.
En effet, des procédés tels que la pêche au filet, le dragage, la recherche de matériaux de comblement et autres procédés, remuent les sédiments, ce qui empêche la lumière d’atteindre les herbes et gêne leur croissance. Préférant la qualité à la quantité, les dugongs sont très sélectifs sur leur diète, choisissant des herbes hautement nutritives et digestes (riches en azote et pauvre en fibres) telles que la Syringodium isoetifolium, la Halodule uninervis, et la Cymodocea serrulata.
Causes connues de la disparition du dugong :
En parallèle d’un taux de reproduction faible, les plus lourdes menaces qui pèsent sur les dugongs sont d’origine humaine :
- l’urbanisation du littoral avec des complexes touristiques génère de la pollution lors de leur construction mais aussi avec leur exploitation (rejet des eaux usées, gestion des déchets, etc) et la dégradation des ressources côtières, ce qui impacte directement sur l’habitat naturel des dugongs. En effet, herbiers et mangroves tendent à se réduire considérablement, voire disparaître totalement dans certaines régions. Il est à noter que l’environnement nécessaire aux dugongs est un écosystème riche qui attirent également les tortues vertes (Chelonia mydas) classées « en danger d’extinction » par l’UICN, les jeunes tortues imbriquées ou à écailles (Eretmochelys imbricata) et une grande variété de petits invertébrés et poissons, ainsi que des juvéniles de crevettes et de poissons pélagiques, d’élasmobranches tels que raies guitares, raies et requins.
- La pêche s’est beaucoup développée pour assurer aux touristes leurs poissons grillés. Les hélices de bateaux et les filets de pêche utilisés sont de véritables pièges pour les dugongs. L’animal se prend accidentellement dans les filets et, ne pouvant plus remonter respirer en surface, se noie.
- La chasse pour sa viande, même si elle est interdite, est également responsable de sa disparition (plus en Egypte).
Même une réduction légère parmi la population adulte due à la perte d’habitat, à la maladie, la chasse ou la noyade accidentelle dans des filets, peut causer un déclin chronique.
Le littoral égyptien et le développement touristique
Les trois principaux reliefs rencontrés le long du littoral sont des marsa, des sharm et des ras.
- Les marsa sont des anses naturelles où l’on peut amarrer un bateau, construire un ponton car le récif le permet : il s’interrompt pour laisser la place à une plage. C’est le cas de sites tels que Marsa Shagra, Marsa Abu Dabbab, Marsa Shuni... Environ 35 marsa existent entre Hurghada et la frontière soudanaise.
- Il y a également 17 sharm ou « lèvres de chameau » : ce sont des baies où le récif forme un V. Ces baies sont intéressantes pour les promoteurs mais il n’est pas possible d’y construire une jetée sans casser le récif…
- Les ras (« cap ») sont des avancées sur la mer tels Ras Toronbi, Ras Samadaï, Ras Banas…
Les stations touristiques, hôtels et clubs de plongée jalonnent désormais toute la côte de la région de Hurghada : depuis la récente ville d’El Gouna, construite il y a une dizaine d’années sur la lagune (« gouna » signifie « lagune » en égyptien), à 25 km au nord jusqu’à Port Safaga à 65 km au sud. Plus au sud, à 80 km de là, se trouve la ville de El-Quseir, ancien village de pêcheurs désormais très orienté vers le tourisme. Encore 135 km plus loin, on arrive à Marsa Alam, soit environ à 270 km de Hurghada. Marsa Alam est aujourd’hui doté d’un aéroport international, qui ravit les plongeurs. Toutefois, cela n’est que le prélude d’un développement touristique programmé.
Et c’est là que le bât blesse.
Le Ministère du Tourisme égyptien souhaite atteindre 240 000 chambres dans la région de Marsa Alam. Le littoral est vendu par lots aux promoteurs qui se doivent de bâtir un hôtel sous peine de se voir retirer le lot acquis. Impossible donc d’acheter simplement le terrain pour protéger le récif et tous les écosystèmes y vivant. Malheureusement, le récif ne pourra pas supporter plus de 78 000 chambres. Ce chiffre semble déjà énorme, mais c’est le compromis auquel sont prêts les partisans de la défense de l’environnement.
L’HEPCA, Les centres de Plongée et TENDUA
L’HEPCA [3] mène ce combat au côté des centres de plongée affiliés, et notamment le Wadi Gimal Diving Center et le Red Sea Safari qui promeut un écotourisme beaucoup plus respectueux de son environnement et a ouvert 3 éco-lodges de tradition bédouine à Marsa Shagra (20 km au nord de Marsa Alam), à Marsa Nakari (18 km au sud de Marsa Alam) et, plus au sud encore, à 120 km de Marsa Alam, Wadi Lahami. C’est à ce titre que TENDUA a pris contact avec l’HEPCA et ces deux centres de plongée établis sur la zone de Marsa Alam où sont généralement observés les dugongs.
Les 3 domaines d’intervention de l’HEPCA sont la recherche scientifique, des actions concrètes sur le terrain et l’éducation via la communication. Comme discuté avec l’HEPCA, le projet Dugong de TENDUA peut s’inscrire dans une étude scientifique plus large que mène l’HEPCA actuellement : « Survey and monitoring of the Red Sea big fauna », axée principalement sur les cétacés et menée par trois biologistes italiennes sur une période de trois ans (premières expéditions en mai et août 2010, pas de dugong observé). La première étape du projet DUGONG sera une collecte de données non scientifiques décrite ci-après.
Que faire ?
1. Observation et photo-identification pour une base de données
L’objectif de ce projet est la protection du dugong évoluant en Mer Rouge égyptienne. L’une des premières mesures envisagées conjointement est la création d’une base de données servant à l’identification des dugongs. Pour ce faire, TENDUA a réalisé une feuille d’identification qui a été transmise à son sponsor, le tour operateur français spécialiste de la plongée, AQUAREV’. Quelques 2000 plongeurs s’adressent annuellement à AQUAREV’ pour plonger en Egypte et se voient distribuer, depuis cet été, en plus de leurs documents de voyage, une feuille d’identification sur le dugong. Les renseignements détaillés sont importants car ce sont eux qui permettront d’enrichir la base de données : en plus d’une photo, il faut préciser la date de la rencontre et le moment de la journée, le lieu, le nombre d’individus, l’attitude (en train de se nourrir, par exemple), et tout autre marque caractéristique, telle une cicatrice sur une nageoire pectorale ou sur la queue ou autre information jugée intéressante. L’enquête complétée sera retournée à l’association TENDUA avec les photos relatives aux observations. Les centres de plongées du Red Sea Safari et de Wadi Gimal Diving center ont également reçu l’enquête. Ils se sont engagés à signaler la présence de dugongs afin d’en évaluer la population dans un objectif de protection des zones d’habitat naturel de l’animal. Les données ainsi récoltées devraient permettre l’identification des animaux à terme, ainsi que les lieux qu’ils fréquentent. Par extension, il devrait être possible de comprendre et d’estimer les mouvements des dugongs, et ainsi de mieux les protéger dans la mesure du possible.
2. Prise de conscience et Communication
Au-delà même de l’occurrence ou de l’absence de l’animal, il est important de communiquer sur le danger de sa disparition des eaux égyptiennes.
Pouvoir observer le dugong dans son habitat naturel relève aujourd’hui de la chance. Toutefois, vouloir protéger et conserver l’espèce ne peut en aucun cas servir de prétexte aux cohortes de touristes venus le harceler, comme cela a été observé à Marsa Abu Dabbab. Bien sûr, nous souhaiterions voir plus d’animaux et faire en sorte que les prochaines générations aient aussi cette chance, mais le fait de s’intéresser à cette espèce est surtout l’occasion à la fois d’une prise de conscience personnelle et d’une réflexion plus globale sur la relation entre l’homme et la nature. La nature n’est pas une ressource, comme elle est aujourd’hui considérée par la plupart de l’humanité. Elle est beaucoup plus que cela : elle EST la vie, elle est notre environnement et notre origine, elle est notre capital commun. Et nos sociétés modernes ont perdu ce qui les reliait harmonieusement à cette origine commune, ainsi que le respect dû à la Terre. Peut-on considérer l’environnement comme une ressource ? Ceux qui répondent oui à cette interrogation ne pourront alors s’étonner de la perte grandissante de biodiversité. C’est la 6e extinction majeure que connaît notre planète, et les conséquences sont déjà catastrophiques. Majeure par son ampleur et sa rapidité. Unique par celui qui en est la cause : l’homme. La relation actuelle entre l’homme et la nature est basée sur une relation à sens unique : l’homme « civilisé » prend et se sert sans réfléchir aux conséquences de ses actes à terme. Il s’agit d’asservir la nature pour des raisons économiques dont on pourrait débattre car les valeurs invoquées ne sont parfois qu’une façade cachant des intérêts personnels peu reluisants. La Terre est vivante. C’est pourquoi il faut désormais revoir notre relation à la nature et l’envisager plutôt comme une relation de service mutuel : si l’homme tire de cette nature les sources même de son existence (transformées par les technologies d’aujourd’hui), il conviendrait alors de rendre à la nature un service au moins équivalent. Il est évident aujourd‘hui qu’on ne peut puiser indéfiniment sans risques dans cette abondance généreuse qui nous entoure. Alors se pose la question de comment faire ? Le premier service à lui rendre est la modification de conscience et donc de comportement de chacun d’entre nous par rapport à cette nature dont nous avons tant besoin car nous aimons tous nous ressourcer à son contact, que ce soit une journée à la mer, en forêt ou à la montagne… Ces modifications de comportement doivent aujourd’hui intervenir à l’échelle de chacun d’entre nous. C’est finalement très simple : écouter, observer, lire, ressentir, être concerné, avoir « en-vie », se représenter la nature telle qu’elle pourrait être et telle qu’elle risque d’évoluer si l’on ne fait rien. C’est ensuite qu’il sera possible de trouver des solutions nouvelles et différentes pour agir ensemble : on est toujours plus forts et plus créatifs à plusieurs, mais le travail à faire est d’abord en soi : « il faut cultiver notre jardin » nous disait déjà Voltaire. Ainsi, chacun peut choisir de reconsidérer sa propre relation à la nature. Bienheureux sont ceux qui ont eu la chance de partager une rencontre sous-marine avec un dugong. Quant à ceux qui ne le verront pas, au moins le rêve est encore possible… Le plus important est de comprendre que sa disparition des côtes égyptiennes n’enrichira personne. Pire : ce serait l’appauvrissement de nos rêves, mais aussi très concrètement la disparition d’un écosystème. Certes, les disparitions font partie de l’évolution mais là encore, ce ne sera pas 11 l’effet d’une évolution de la nature mais du fait de l’homme. Or, en qualité d’être humain, chacun a le choix d’intervenir contre ce qui paraît inévitable : la prise de conscience permet notamment de communiquer et d’en parler autour de soi tissant ainsi un réseau toujours plus important.
A ceux que les arguments originels laissent froids, un discours au langage plus « chiffré » a été adapté.
L’HEPCA a fait un travail très intéressant de « mise en valeur » de cette nature. Ainsi, en 2006, l’HEPCA a estimé le revenu généré par la présence d’un requin vivant du côté des îles Brothers – au large de EL Quseir – à 200 000$ / an : il s’agit des revenus générés par le tourisme de façon directe et indirecte (retombées en terme d’emplois, de développement d’activités nouvelles, etc). Cette prise de conscience-là a permis en 2006 l’interdiction de la pêche aux requins dans les eaux Egyptiennes. A l’évidence, un requin vivant génère plus de valeurs qu’un requin mort. Le même calcul a été appliqué en 2008 aux dauphins de Safaga. Avec la création d’une quinzaine d’emplois par dauphin, et le nombre de visiteurs venus les voir, il a été calculé qu’un dauphin rapportait 91000$/an. Et cette estimation a permis d’assurer aux dauphins de Safaga un temps de pause pendant lequel aucun bateau n’est autorisé à les déranger dans la zone d’aire marine protégée de Safaga désormais extrêmement contrôlée par des rangers. Dommage sans doute d’en être arrivé là, mais au moins les dauphins ne sont plus harcelés à longueur de journée…
Pour le dugong, le nombre de plongeurs et de snorkeleurs à Marsa Abu Dabbab a permis d’estimer les revenus générés par un dugong vivant à 18000$ pour 2007. Avec de tels arguments économiques peut-être est-il possible d’obtenir, pour la tranquillité des dugongs, l’extension de la zone marine protégée du parc national de Wadi Gimal [4] L’avenir des dugongs de la Mer Rouge égyptienne dépend aussi de nous, de nos choix et de notre volonté. , ainsi que le renforcement des équipes de rangers ? Et pourquoi pas, la protection du littoral là où des herbiers ont été identifiés comme lieux fréquentés par les dugongs ?
En raison des nuisances multiples auxquelles les populations de dugongs doivent faire face, TENDUA propose d’impliquer plus encore les communautés locales (centres de plongée, pêcheurs, rangers) avec l’HEPCA, mais aussi celle des plongeurs et des touristes avec AQUAREV et de réfléchir conjointement à la manière de minimiser les impacts négatifs sur les dugongs et de protéger au mieux leur habitat (Idéalement cela pourrait être fait dans le contexte de plans complets d’aménagement du littoral par les administrations compétentes en accord avec les associations de conservation).
Ces zones marines protégées, à l’instar de ce qui a pu être fait dans des pays voisins de l’Egypte, pourront être ouvertes à l’éco-tourisme en fonction des dates de reproduction et de déplacements des animaux, notamment pour les nouvelles zones créées.
De plus, cela montrera une fois de plus l’engagement international de l’Egypte en matière de protection et de conservation de la biodiversité au Moyen-Orient faisant du Dugong l’emblème des côtes de la Mer Rouge.