Il n’est pas toujours besoin d’aller très loin pour profiter du printemps. Ce 18 avril 2022, nous sommes deux de l’association Tendua à « explorer » le parc Edmond de Rothschild, équipés de jumelles et chargés d’appareils de photographie, prêts pour un safari naturaliste en ville !
Propriété de la famille Rothschild
Ce parc correspond au prolongement du bois de Boulogne, dans la commune voisine de Boulogne-Billancourt, séparé du Bois par le boulevard Anatole France au nord et entouré par l’autoroute de Normandie au sud, la Seine à l’ouest et la ville à l’est. Avec 15ha de superficie, c’est le plus grand parc de Boulogne.
Le terrain devient la propriété de la famille Rothschild vers 1850. Une grande demeure de style Louis XIV y est construite en 1856 et le parc est agrandi pour atteindre 30 ha. Le raccordement de l’autoroute A13 au périphérique lui fait perdre la moitié de sa superficie. La grande maison familiale historique est aujourd’hui tristement en ruines.
La singularité du parc tient à ses aspects : un parc paysager créé vers 1860, selon un projet de Paxton remanié par M. Loyr ; un jardin japonais créé par un jardinier nommé Hatta entre 1900 et 1930, dont seuls subsistent, depuis sa conception, les arbres, à l’origine nanifiés puis ayant repris leur croissance normale ; le routin : une partie de rocailles et bassins créée par M. Gaucher en 1924 et qui abrite la rivière, dite bleue. Avec son bassin artificiel, ses fausses chutes, ses faux rochers, ses faux ruisseaux et son petit pont japonais, le parc propose néanmoins quelques vraies possibilités d’observations naturalistes. Le printemps se moque un peu des jardiniers et des paysagistes.
Résidents à l’année : Bernaches du Canada et Colverts
Sur le plan d’eau, les bernaches du Canada sont installées depuis quelques années. Elles cohabitent avec des canards colverts et des oies à tête barrée, au moins un couple de foulques et un de poules d’eau, résidents. Elles reçoivent par ailleurs la visite de différents oiseaux de passage, selon les saisons, comme les grands cormorans, les mouettes rieuses et un ou deux hérons cendrés. Il y a des poissons dans cet étang ; les grosses carpes sont actives avec les beaux jours.
Tout semble calme car il y a des nids sur l’îlot. Dès que l’on s’arrête au bord de l’eau, quelques bernaches et colverts s’approchent doucement, interrogatifs. Clairement certains visiteurs bipèdes leur apportent à manger et cela se sait. Nous n’avons rien, ils n’insistent pas.
Le calme est soudain rompu par une vraie prise de bec entre deux couples de bernaches. L’argument nous échappe mais l’un des deux jars ne rigolait plus du tout. Apparemment les autres oiseaux et les autres espèces ne semblent pas concernés ou alors feignent de ne pas regarder.
Tortues, foulques et autres
L’an dernier, un arbre est tombé dans l’eau et y a été laissé. Il fait le bonheur des tortues (Trachemys, la tortue aquatique dite de Floride), introduites, et qui deviennent arboricoles pour l’occasion. Le tronc et les branches maintenant horizontales, proches de la surface, font de très bons reposoirs pour leur permettre de profiter en toute tranquillité du soleil printanier. Les petites branches du houppier intéressent aussi du monde. Au début du printemps un couple de grèbes castagneux tournait autour de cet enchevêtrement végétal posé sur l’eau et je pensais les voir nicher.
Mi-avril c’est un nid de foulque qui trône dans les branchages émergés et je ne vois plus les grèbes. Le premier poussin de foulque est repéré le 7 mai dans le nid sous un adulte. Quelle drôle de tête !
Mésange à longue queue
Nous n’y sommes pas encore et le 18 avril nous recherchons également les petits passereaux. En mars, un couple de mésanges à longue queue construisait son nid dans la couronne très dense d’un arbuste. En avril, les deux parents nourrissent. Le nid est bien caché, il n’est pas question de le déranger.
Observer les allers et retours des adultes depuis un endroit discret représente un beau spectacle. Et nous en profitons. On peut se placer à quelques mètres et admirer les oiseaux au travail.
Je suis revenu plusieurs fois. Quelques jours plus tard je revois les adultes qui me voient également et semblent un peu surpris. Après avoir nourri les oisillons bien à l’abri des rameaux, ils sont venus tous les deux, juste à côté de moi « en parlant ». Je ne sais pas ce qu’ils disaient, ni à qui, mais j’ai vraiment eu l’impression qu’ils s’adressaient à moi, ou alors se parlaient de ma présence. C’est seulement ensuite qu’ils sont partis chercher le repas suivant que je les ai vus rapporter, d’un vol plus direct que le précédent. Ensuite je les ai laissés tranquilles. L’envol des jeunes a suivi rapidement quelques jours après et l’arbuste a été déserté.
Grimpereau des jardins
Au fond du parc il y a un club hippique avec quelques chevaux, des box et un grand manège en extérieur. Un bâtiment abandonné de deux étages se trouve juste à côté des box. Les fenêtres sont condamnées et des panneaux de bois ont été posés à côté des volets. En arrivant à proximité, nous remarquons une activité avienne : un couple de grimpereaux des jardins a installé son nid derrière un de ces panneaux de bois et le nourrissage des jeunes va bon train. Les oiseaux sont vraiment petits mais leurs passages sont prévisibles, ce qui permet de les observer dans de bonnes conditions et sans les gêner. A chaque passage, l’adulte entre avec une becquée bien garnie d’où pattes et antennes dépassent, et ressort avec un petit sac blanchâtre dans le bec. Les oisillons nourris avalent d’un côté et se soulagent de l’autre, ce qui permet aux parents de retirer proprement les fientes, naturellement emballées, et de les jeter au-dehors.
Autres habitants du sous-bois
Les rougegorges sont assez nombreux et leurs chants résonnent un peu partout. Certains chanteurs acceptent de se laisser photographier. Quand on les cherche, on a toujours tendance à regarder trop haut dans les arbres. Ils sont souvent perchés assez bas, pas nécessairement cachés mais dès que les feuilles sont arrivées, les trouver devient plus compliqué. Cela occupe bien.
Lors des visites d’avril et de début mai, il est facile d’observer de nombreuses petites chenilles suspendues dans les airs par un long fil qui les descend des arbres. Jusqu’au sol ? Il pourrait s’agit de la chenille de la pyrale du buis, inoffensive mais sévère pour les buis. Il y a par ailleurs quelques cocons de processionnaires du pin dans certains grands conifères. Certains troncs sont cerclés d’un sac piège pour récupérer les chenilles grâce à des molécules chimiques.
Nous n’avons pas vu le martin-pêcheur le 18 avril, mais je l’ai revu tout à la fin du mois et encore début mai. Le 1er mai, l’oiseau avale un poisson pratiquement aussi long que lui, c’est assez spectaculaire. Ce jour-là, deux cormorans et un martin-pêcheur pêchent activement dans la même petite portion du plan d’eau et semblent bien en profiter.
En redescendant du point de vue (le nid de poule d’eau est toujours là et le couveur est nourri par l’autre adulte, bien joué !), j’ai dû passer tout près d’un nid de troglodyte qui s’est mis à alarmer. Je n’ai pas cherché le nid, trop risqué et j’ai suivi l’adulte. Il a trouvé une chenille et a foncé nourrir des « trogloditeaux » qui ne doivent pas être bien gros !
Plantes et arbres remarquables
Et il y a encore toutes les plantes, des plus petites aux grands arbres plantés il y a certainement plus d’un siècle.
Les tapis de jacinthes des bois et de pâquerettes sont spectaculaires en avril. Aux couleurs s’ajoutent les parfums et c’est bien agréable.
En fonction de la saison, les fleurs changent, les couleurs et les parfums aussi.
En avril, on y a vu des fleurs de nigelle de Damas et de bugle rampante, de l’ail des ours en fleurs, plusieurs espèces de petites jacinthes sauvages : violettes, roses, blanches. En fonction de la saison, les fleurs changent, les couleurs et les parfums aussi.
Le parc compte également 16 arbres classés comme étant « remarquables » et beaucoup d’autres qui le sont aussi, pour tout le travail d’absorption de nos émissions de CO2 que nous émettons sans nous soucier des conséquences.
Notons au passage le magnifique cèdre blanc de Californie ou calocèdre à encens qui se trouve à l’entrée du parc et dont les couleurs sont incroyables en ce début de printemps.
Il y a aussi ce hêtre pleureur (Fagus sylvatica ’Pendula’) au tronc particulièrement noueux.
Les observations d’insectes ne manquent pas non plus : punaises, sylphes, chenilles non identifiées. Les escargots gris ne sont pas encore arrivés...
En cette balade d’avril, nous avons compté pas moins d’une quinzaine d’espèces animales observées. Et beaucoup de bourgeons sur les arbres et de petites fleurs annonçant le renouveau du printemps. Il est bien dommage de voir l’entreprise de jardinage, chargée de l’entretien du parc, abattre une dizaine d’arbres, dont certains assez grands, fin avril, au moment de la montée de sève, de la floraison et de la nidification. Pourquoi ne pas laisser le printemps vivre ? La protection de la nature, même dans un parc, commence souvent par ne pas la détruire.