Contre le brevetage des semences
Catalogue de semences et droit français
Dans les années 30, l’idée d’un premier catalogue voit le jour afin d’y référencer les appellations de semences. Depuis, il existe un catalogue européen. En 1997, en France, ce sont les variétés potagères qui sont répertoriées dans un nouveau catalogue : les jardiniers du dimanche sont alors directement concernés, ainsi que tous les petits paysans qui n’utilisent pas les semences d’hybrides F1.
Que dit ce catalogue, adossé au droit français ? « Toute semence qui n’y est pas inscrite est interdite à la vente, mais aussi à l’échange entre paysans », pratique pourtant ancestrale et internationale.
Ainsi, le ministère français de l’agriculture assimile cette pratique à des ventes dissimulées. L’échange est donc interdit par décret gouvernemental.
Le GNIS
Le Groupement National Interprofessionnel des Semences (GNIS) dont les membres sont issus des représentants de l’administration française et des acteurs majeurs de la filière agrochimique, s’occupe, entre autre, des catalogues. Il semble que la réputation du GNIS ne soit pas à faire auprès des agriculteurs qui le connaissent bien car ce dernier :
=> réclame le paiement par les agriculteurs qui réutilisent leurs semences de ferme d’une Contribution Volontaire Obligatoire reversée directement, pour 85% de son montant, à l’industrie semencière,
=> poursuit en justice les agriculteurs qui reproduisent des semences de ferme des dernières variétés protégées par une loi française qui les interdisait, mais n’est presque plus utilisée depuis l’adoption en 1994 d’un règlement européen qui les autorise,
=> envoie ses contrôleurs à la poursuite des agriculteurs qui conservent, utilisent, échangent ou vendent leurs semences de ferme.
Les industriels des semences ne supportent pas que les agriculteurs puissent bénéficier, tout comme eux et en toute légalité, du « privilège du sélectionneur » d’utiliser les variétés disponibles sur le marché pour sélectionner leurs propres variétés et d’échanger leurs semences dans le but de les sélectionner et de les conserver.
Hybrides F1 vs semences anciennes
Pour bien comprendre le sujet il faut revenir sur la définition de ce qu’est une semence en agriculture, et savoir deux ou trois choses sur leur origine et leur commercialisation. Pour faire simple et court : il y a les semences « naturelles », utilisées par l’homme et conservées par lui, réutilisables chaque année. Et puis il y a les semences hybrides, les F1 (hybridation de première génération) le plus souvent. Inventées par les Américains au début du XXe siècle, elles sont les plus répandues. Le procédé est à peu près le suivant : un semencier prend deux variétés de maïs par exemple, avec des caractéristiques les plus éloignées possibles ou différentes, et les croise sur plusieurs années (6 ou 7 ans). Au final, le semencier obtient une variété hybride avec des caractéristiques génétiques nouvelles : un meilleur rendement, une taille identique des pieds, une résistance aux maladies, mais aussi une variété stérile qu’il faudra racheter tous les ans, donc une rente par nature pour le semencier et la chronique d’une ruine annoncée pour les petites exploitations.
Le lobby agro-chimique
Leader mondial des OGM, Monsanto est à l’origine de bien des produits controversés, depuis sa création en 1901. La liste est longue. La firme est le principal producteur de PCB (le pyralène, polluant organique persistant aujourd’hui interdit et responsable de nombreuses pollutions), de l’agent orange, herbicide utilisé pendant la guerre du Vietnam et fortement cancérigène, et d’hormones de croissances bovine et laitière interdites en Europe.
http://www.rue89.com/2008/02/16/ogm...
Monsanto est donc tristement célèbre et représente bien ces géants de l’agrochimie grâce auxquels notre agriculture productiviste ressemble plus aujourd’hui à de « la gestion de pathologie agricole » à force d’hybrides F1, pesticides, herbicides et autres moyens chimiques : les plantes malades génèrent chez les humains de nouvelles maladies auxquelles le lobby pharmaceutique trouvera probablement un remède chimique ayant à son tour des effets secondaires, mais qui aura eu le temps de produire des revenus sonnants et trébuchants…
Adieu, les blés blonds et les champs verdoyants de notre imaginaire collectif !
Monsanto n’est pas seul, il y a également Bayer, Syngenta… Leur intérêt est de nous faire croire que sans engrais ni pesticides, l’agriculture ne pourra pas nourrir la planète à terme. Nous « devons » donc utiliser leurs produits pour produire plus, au détriment de la qualité et de notre santé, mais aussi au détriment de la Terre qui a pourtant mis au point toutes les conditions (arbres, humus et argile) pour faire pousser les centaines de milliers de plantes que nous connaissons aujourd’hui, adaptées qui plus est, aux différents climats… Bien sûr, c’est tout un pan de l’économie qui se trouverait mal, si nous revenions à des méthodes plus naturelles qui permettraient, on en est désormais convaincus, de nourrir effectivement la population planétaire.
C’est un choix de société mais que choisir : nourrir la planète en respectant la nature ou continuer sur une tendance qui détruit la terre, ne nourrira pas tout le monde mais donne de bons résultats économiques dont tous ne profitent pas, loin s’en faut ?
Des associations dans le monde entier se battent en faveur d’une agriculture responsable et biologique, et du droit fondamental d’échanger les semences.
En Inde, par exemple, Navdanya travaille à la promotion de l’agro-écologie.
En France, Kokopelli est une association qui conserve, distribue et vend des semences anciennes et biologiques dans le but de préserver la biodiversité semencière et potagères. Elle conserve dans ses murs, à Alès dans le Gard, plus de 3000 variétés paysannes.
L’association a des producteurs dans le monde entier et édite chaque année son propre catalogue, rempli de photos, avec les variétés, les conseils, etc.… Elle monte des projets et donne (donc gratuitement) de nombreuses semences aux petits paysans en Afrique, Asie, Amérique du Sud afin de leur permettre d’accéder à l’autonomie alimentaire.
Attaquée en justice en 2005 par la société Baumaux (« grainetier à Nancy depuis 1943 ») pour concurrence illégale, et après plusieurs rebondissements juridiques, il s’avère que l’association Kokopelli est condamnée à une amende de 100000 € de dommages et intérêts à verser à ladite société Baumaux (dont le chiffre d’affaire en 2011 atteignait 14M€ et le résultat net 2M€...) ; et Baumaux demande également la cessation totale d’activité de Kokopelli.
Si vous souhaitez agir pour libérer les semences en Europe :
http://www.avaaz.org/fr/petition/Qu...
Pour aller plus loin sur une autre façon de procéder et sur l’agro-écologie, des documentaires passionnants et autres liens :
- « Solutions locales pour un désordre global » de Coline Serreau, 2010,
- « Les moissons du futur » de Marie-Monique Robin, 2012.
- « Food, Inc. » (« Les Alimenteurs »), de Robert Kenner, 2009
http://owni.fr/2012/06/06/le-lobby-...