TENDUA - Association pour la sauvegarde de la biodiversité

Newsletter n°11 - Mars 2014

MOZAMBIQUE : la destruction systématique des forêts

Sources : Courrier International

L’exploitation des bois exotiques mozambicains prospère en dehors de tout contrôle et sur fond de corruption.

Quelques chiffres

Pratiquement 70% du Mozambique (54,8 millions d’hectares) sont (ou étaient...) couverts de zones forestières. Environ 80% de la population, soit 16 millions de personnes vivent dans des zones rurales, où la pauvreté sévit pour plus de 50% des habitants. Cette population rurale dépend de la forêt. Malgré la découverte d’importants gisements de gaz et de charbon, la population mozambicaine cuisine toujours majoritairement au bois et au charbon végétal. Durant la guerre civile (1981-1992), les Mozambicains ont détruit des milliers d’hectares de forêt. Aujourd’hui encore, ils sont contraints, faute d’autres solutions économiquement accessibles, d’abattre des arbres pour construire des maisons et cuisiner. Ainsi près de 20 millions de m3 de bois chaque année sont brûlés (soit 85% de l’énergie consommée)....

Mozambique
internet


Selon l’Inventário Forestal Nacional [Inventaire forestier national], 0,58 % du patrimoine forestier du Mozambique, soit 219 000 hectares, disparaît chaque année (2008)...et ce, depuis plusieurs années déjà...

Malheureusement, ce n’est pas tout...

Si la pauvreté des populations rurales est une des causes de cette déforestation, les camions que l’on croise sur les routes du pays, chargés de troncs gigantesques, sont dramatiquement plus responsables de la déforestation. Ces troncs servent à fabriquer des meubles, en Chine, où le marché en pleine expansion exige des quantités faramineuses de bois, mais également en Indonésie et en Inde, souvent pour une consommation finale dans les pays occidentaux.

Le bois mozambicain est d’excellente qualité et bon marché. Les appétits féroces qu’il suscite entraînent la destruction lente mais constante d’immenses zones forestières dans les provinces du centre et du nord du pays, en particulier celles de Sofala, de Zambézie et de Cabo Delgado.

Forêt sèche de l’extrême Nord du Mozambique, province de Cabo Delgado
O. Pascal

Journaux locaux et associations dénoncent régulièrement le pillage des forêts, mais le trafic continue.

Un trafic illégal, un système corrompu

Déforestation aux environs de Palma, Province de Cabo Delgado, Nord du Mozambique
MNHN

Les trafiquants prennent contact avec les autorités locales. Dès qu’ils obtiennent le feu vert pour exploiter la forêt, ils recrutent des pisteiros [pisteurs] pour dénicher les essences précieuses. Ils engagent ensuite des gens du coin, appelés pingo pingo, qui abattent les arbres et les chargent dans les camions.

Une simple licence pour abattre un arbre de bois dur dans la réserve forestière de Meceburi, Mozambique
M. Goldwater


Pour pouvoir exporter le bois, il faut ensuite obtenir l’autorisation de trois institutions : la douane, les services provinciaux des forêts et de la faune et les directions de l’industrie et du commerce des provinces concernées. Les acheteurs ne se salissent pas les mains, ils restent dans l’ombre et attendent dans les villes portuaires. Le trafic illégal de bois est un problème connu de tous et les autorités déplorent leur propre incapacité à s’opposer à un système mieux structuré que leurs services. Les communautés locales elles-mêmes protègent les bûcherons illégaux. “Souvent, ce sont justement les habitants de ces zones qui abattent les arbres et quand nous leur demandons pourquoi, ils répondent qu’ils ont besoin de cet argent pour survivre”, explique un représentant de l’administration de Mocuba, cité par Savana. 

Les autorités mozambicaines saisissent chaque année de grandes quantités de bois précieux. Si le nombre des saisies et des amendes augmente, le volume des exportations illégales reste immense. Et malgré l’instauration de nouvelles règles, le bois brut continue d’être exporté, surtout vers les pays asiatiques. En juillet 2011, une entreprise chinoise a été sanctionnée pour avoir abattu 10 % d’arbres de plus que la quantité autorisée. L’essence du bois coupé doit figurer à l’encre indélébile sur les troncs. Ces indications servent à déterminer les taxes d’exportation qui s’appliquent. Selon le quotidien local O Pais, les grumes saisies en 2011 portaient des inscriptions à la craie indiquant un bois de seconde catégorie, alors qu’il s’agissait en réalité d’ivoire rose (Berchemia zeyheri), une variété protégée. 


Berchemia zeyheri ou l’ivoire rose
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ivoire rose transformé...
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Après...


Ce trafic prospère sur fond de corruption. A l’appui de leur influence politique, les exportateurs de bois soudoient les employés des entreprises portuaires pour que les grumes ne soient pas déclarées. De nombreux dirigeants soupçonnés d’être impliqués dans ce trafic ont été arrêtés mais, quand on cherche à en savoir plus, les autorités sont rarement disposées à fournir des détails, probablement par peur de représailles du crime organisé. 



Mécontentement

Ce sont les gangs qui déterminent les prix du bois. Face à ce problème, les petits exploitants forestiers commencent à s’organiser en associations. Lors d’une réunion qui s’est tenue en juin 2012 à Beira, ces derniers ont manifesté à cette occasion leur mécontentement vis-à-vis du gouvernement, par lequel ils se sentent “abandonnés”. A ce jour, il n’existe pas de barème des prix du bois. L’exploitation commerciale engendre une dégradation des forêts et ouvre la voie à d’autres activités nuisibles à l’environnement, comme la production de charbon végétal, prévient le Centre pour la recherche forestière internationale (Cifor) dans un rapport publié en 2012. 


Projets de reboisement...bien mais insuffisant


Le long de la route reliant le Mozambique à l’Afrique du Sud, les arbres sont rares. C’est une vaste étendue aride qui défile sous les yeux, avec seulement une hutte de loin en loin.
Plusieurs ONG internationales financent des projets de reboisement, dans des zones à présent dénuées de toute végétation, comme à Massaca, dans la périphérie de Maputo. Ce village est dans une situation catastrophique du point de vue environnemental : son patrimoine forestier a été complètement détruit. Antonio Cossa, du Service départemental des activités économiques de Boane, se souvient du temps où Massaca était une région verdoyante. “Dans les années 1980, le village n’existait pas encore. C’était une forêt touffue. Il y avait juste quelques charbonniers qui coupaient du bois pour le transformer en charbon et le vendre à Maputo. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul arbre.” 

Le charbon utilisé par les Mozambicains est issu du bois récolté dans les forêts naturelles sans aucun contrôle et sans que le reboisement soit jamais envisagé. Les politiques actuelles vont dans la bonne direction, mais, dans la pratique, rien n’est réellement mis en œuvre pour faire appliquer la loi. Pourtant, en juillet 2011, le président Armando Guebuza a reçu le prix de la Terre du Fonds mondial pour la nature (WWF) pour ses efforts en faveur de la protection des ressources naturelles, incluant notamment des campagnes de sensibilisation des enfants à la reforestation. Peut-être est-ce cependant encore trop peu pour changer les mentalités selon lesquelles, pour reprendre l’expression de l’écrivain mozambicain Mia Couto, les arbres sont “des ennemis à abattre”.

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